Vivre Mourir Renaître, drame de Gaël Morel (1h49)
Voilà un film bien émouvant, traversé par la sobriété de trois acteurs complémentaires et promis, j’en suis sûre, à une belle carrière. Lou Lampros m’a fait penser, à certains égards, à Marine Vacth dans « Jeune et Jolie », la même intensité dans le visage, cette impression de plonger de très haut au creux de son iris, un plongeon infini comme ce regard intense qui harponne, pour mieux faire ressentir les émotions de l’intérieur. Théo Christine n’a pas un rôle facile, qu’il incarne avec justesse et pudeur. En équilibriste un peu somnambule. Quant à Victor Belmondo, il confirme, après plusieurs rôles très différents, un spectre large de composition, d’un cinéma d’auteur plus que celui dans lequel s’épanouissait son grand-père, à grand spectacle, comme pour offrir ce patronyme : Belmondo, à l’univers du cinéma tout entier, à tous les cinémas. Dans ce rôle généreux, de photographe homosexuel, en marcel, espadrilles et pantalon fluide, il affiche une aisance naturelle et illumine l’écran. Son sourire, jamais tout à fait entier, une moitié de sourire, est attendrissant.
L’histoire est triste, servie par une musique tantôt mélancolique (classique), tantôt exaltante (soul, pop, funk), comme le jour succède à la nuit. Dans la nuit, j’ai aimé l’apparition d’Amanda Lear, plus que jamais à sa place, avec une petite touche subliminale de sa peinture. En plein jour, celle d’Elli Medeiros toujours aussi pétillante et élégante. Un casting inattendu et bienvenu.
Un clin d'oeil aussi. À Denis Lavant dans "Mauvais Sang" de Léos Carax, à "Frances Ha" de Greta Gerwing et à présent, Victor Belmondo et Théo Christine. Ça fonctionne tellement "Modern Love" et David Bowie, qui ne meurt jamais.
Cela fait longtemps que l’on ne parle plus du SIDA en général et au cinéma. Bien entendu, on se souvient de « 120 Battements par minute » de Robin Campillo qui cependant, n’a rien à voir : Gaël Morel ne s’inscrit pas dans le genre militant. Son sujet n’est d’ailleurs pas le SIDA. Son sujet n’est pas non plus l’homosexualité, si difficile à vivre pour ces jeunes des années 90 (hélas, toujours valable aujourd’hui), face à une société qui juge et refoule la différence. Son sujet n’est pas davantage l’avortement, conséquence collatérale d’une maladie dont on ignorait tant, au début, et qui demeure une ombre diffuse.
Le sujet de ce film, d’une durée maîtrisée comme le propos et la proportion entre séquences dialoguées et polaroïds en musique, c’est tout simplement l’amour : comment se partager un amour si absolu qu’il déborde et rejaillit ici et là, pour touches impressionnistes. Comment partager la vie qui reste quand une part de cet amour disparaît.
Mention spéciale pour l’enfant, Nathan. Trait d’union entre Emma, Sammy et Cyril, liés pour le meilleur et pour le pire, pour le plus fort de l’amour sain. Deux petits garçons pour l’incarner, aussi discrets qu’essentiels pour que ce trait d’union résiste au temps, résiste à la vie, à la mort, à la renaissance.