Une farouche liberté, Gisèle Halimi avec Annick Cojean, adapté par Lena Paugam
"Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience." René Char... l'un des poètes essentiels à Gisèle Hamili qui revivait hier soir au Théâtre Pays de Morlaix, plus éclatante que jamais sous les voix mêlées de Marie-Christine Barrault, comédienne éprouvée, et Hinda Abdelaoui, qu'on annonçait malade et qui sur scène, s'est révélée extraordinairement puissante, femme forte et gracieuse que j'ai trouvée épatante.
Avant la représentation, Annick Cojean qui a écrit avec Gisèle Halimi "Une farouche liberté" (2020), des confidences dont l'adaptation pour la scène a été imaginée par Lena Paugam, minimaliste pour laisser la place à l'oralité.
Aux mots.
Deux voix contemporaines pour les interpréter, deux générations qui se répondent et une troisième, si singulière, celle de l'avocate féministe, extraite de ses séances d'écriture avec Annick Cojean, journaliste, grand reporter et écrivain.
Laquelle faisait remarquer à l'auditoire qu'à l'école ou en cours de musique, elle n'a jamais croisé de personnages illustres et conquérants autres que masculins.
Serait-elle arrivée là, hier soir dans ce théâtre à l'italienne, adoubée par une Gisèle Halimi si présente que sa voix résonne encore ce matin, si elle avait croisé des femmes ?
Aurait-elle développé cette conscience féministe si on lui avait parlé de Clara Schumann, Anita Conti, Alice Guy, Zabel Essayan ?
Et si c'était notre moment, aujourd'hui, à l'aube de l'Ère de Verseau, une ère qu'on annonce plus sociale et juste, à nous les femmes, de donner un sens aux relations entre les hommes et les femmes. Il ne serait plus question de domination, de soumission, de patriarcat ou de matriarcat, mais d'une farouche liberté redistribuée entre les hommes et les femmes.
Pour Gisèle Halimi, ça commence d'emblée par cette cruelle absence d'amour qu'elle ressent, de la part de sa mère. Une fracture, un silence et une injustice qui augurent d'un destin, celui d'une femme moderne et visionnaire, libre. C'est ce flambeau que la mise en scène et les voix ont non seulement restituées hier soir, mais elles en ont aussi assuré la transmission, à travers trois exemples emblématiques de femmes défendues par l'avocate Gisèle Halimi. Des cas qui questionnaient déjà le viol, "acte de fascisme ordinaire", dans l'intimité ou en temps de guerre, et les violences faites aux femmes. Celui de Djamila Boupacha, militante algérienne. Celui de Marie-Claire Chevalier, dénoncée par son violeur après avoir avorté. Celui d'Anne et Araceli, violées sous leur tente de camping, qui ont continué à vivre, mais mortes.
"D'abord, soyez indépendantes économiquement. C'est une règle de base. Le moyen de sortir de la vassalité naturelle où la société a longtemps enfermé les femmes.
Ensuite, soyez égoïstes ! Rebellez-vous ! Pensez en fin à vous. À ce qui vous plaît. À ce qui vous permettra de vous épanouir, d'être totalement vous-mêmes et d'exister pleinement.
À cela, j'ajoute: refusez l'injonction millénaire de faire à tout prix des enfants. Elle est insupportable et réduit les femmes à un ventre.
Enfin, n'ayez pas peur de vous dire féministes. c'est un mot magnifique, vous savez. C'est un combat valeureux qui n'a jamais versé de sang."
S'affirmer pleinement femme, briser tous les plafonds de verre, le revendiquer et militer, tel est sans doute le point de départ vers un équilibre et une équité indispensables entre les femmes et les hommes.