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Je suis toujours là, drame-thriller, de Walter Salles (2h)

Walter Salles
Je suis toujours là

C’est la dictature au Brésil. Années 70’. La maison de la famille de l’ex-député Rubens Paiva se situe en face de la plage. Les parents et leurs cinq enfants vivent des jours idylliques et insouciants, entre eux, entre amis. Dans cette famille unie, l’aînée part bientôt à Londres. Elle représente le premier arrachement. Les uns sans les autres. L’unique fils, entre quatre filles, s’éprend d’un chien abandonné dont on se doute dès le départ que l’animal va jouer un rôle initiatique et tragique. Mais même quand on sait, on ne sait rien. Le tragique n’est jamais là où l’on tourne le regard, bien pire que nos pires soupçons.

Pour ma part, si je savais qu’il s’agissait d’une histoire vraie, j’ignorais que le fils l’avait écrite et que Walter Salles s’était inspiré de son livre. Pourtant, ce fils est empli d’émotions et de sensibilité, il observe davantage que ses sœurs, moins frontalement, il sait les choses d’instinct, il se tait, toujours d’humeur égale, mais il emmagasine pour ne rien oublier.

Un soir, au creux de ce bonheur familial à l’accent chantant, le député Rubens est convoqué pour une déposition à la caserne militaire. Le lendemain, sa femme et leur plus grande fille (depuis que l’aînée vit à Londres) sont menottées et encagoulées pour interrogatoire musclé. L’heure est à l’arbitraire politique, à l’emprisonnement, au mensonge, à la torture et au silence. La mère et la fille réapparaissent dans leur maison mais quid du père. Des rumeurs circulent : sévices, mort.

L’épouse et ses cinq enfants vont devoir reconsidérer leur existence à Rio où, en l’absence du père, la vie n’est plus tenable financièrement et trop exposée aux surveillances, aux trahisons. La mère rapatrie sa fille de Londres, vend tout ce qu’elle peut, choisit de déménager à Sao Paulo et de s’inscrire en fac de droit. Elle n’en oublie jamais d’être mère, et aussi père. Sa quête : obtenir le certificat de décès de son époux. Elle devient une avocate humaniste, au service des autochtones.

Fernanda Torres porte le film avec sobriété et détermination. De joyeuse, virevoltante et amoureuse, elle devient rude, austère, elle n’est plus jamais complaisante, mais toujours digne et équitable. Après les avoir élevés, c'est au tour de ses enfants de la porter. C’est à ce genre de films que l’on comprend la valeur d’une famille : la solidarité, l’élan, quand l'un défaille, l'autre prend le relais.

« Je suis toujours là » est un film dans le film, par le prisme de l’aînée, inséparable de sa caméra super 8. C’est aussi un patchwork de photographies des jours heureux, pattes d'eph' et maillots de bains.

Lorsqu’on est d’origine étrangère, on n'ignore rien de l’exil, de la souffrance morale et physique, des injustices et de la résilience mais on n’imagine jamais vraiment ce qu’ont subit (ou subissent) d’autres, que notre peuple ancestral, sous d’autres despotismes. Ce film nous permet de s’y confronter et on ne peut que compatir avec émotion. Le film est déchirant mais au bout du compte, Eunice Paiva obtient justice et reconnaissance. Ne jamais abdiquer pour faire éclater la vérité, tel est le combat le plus nécessaire d'une vie sous emprise dictatoriale, pour soi et les siens, et pour les autres, les générations suivantes, pour ne jamais oublier.

Tag(s) : #drame, #thriller, #waltersalles, #franandatorres, #jesuistoujoursla, #dictature, #bresil
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