Nino, drame, de Pauline Loquès (1h36)
Quel merveilleux film. Délicat, simple et si touchant. D’une poésie discrète telle, qu’on se croirait dans un autre pays, une autre époque ; un pays, une époque où la violence n’existe pas, ni l’immédiateté, ni la frustration, ni l’irrespect ou le mépris ; un pays, une époque où personne ne juge ni ne stigmatise, ni ne cherche à en découdre ; un pays, une époque où l’humanité a repris le dessus, sans en rajouter, ça se serait fait comme ça, naturellement, comme la nature a naturellement repris ses droits lors du premier confinement ou en Ukraine, sur le site de la centrale nucléaire de Tchernobyl, triomphant de la radioactivité.
Ce film -toutes proportions gardées- m’a fait penser à « L’Écume des Jours » de Boris Vian. C’est un conte.
Il suffit de trois jours pour que ce Nino si sensible nous brise le cœur et nous le réchauffe aussitôt. Sa spontanéité, sa candeur peut-être, un je ne sais quoi d’instinctif qui le rend disponible aux événements et qui nous fait chavirer.
Vendredi soir, on lui annonce brutalement qu’il est atteint d’un cancer de la gorge. La cause en serait l’amour. On lui donne rendez-vous lundi matin pour les premières chimios, avant la radiothérapie. Bon week-end. Ah oui, on oubliait. Prenez ce flacon aussi, monsieur, pour y déposer vos spermatozoïdes, lundi, vous serez devenu stérile.
Commence alors ce qui prend l’allure d’un week-end de merde : Nino a perdu ses clés, le gardien de son immeuble est absent, il doit fêter ses 29 ans.
Est-ce possible ?
Nino lâche prise. Ce n’est pas une intention, ça se produit, c’est tout. On le suit dans une errance de deux jours et trois nuits, au travers de situations et de répliques d’un romantisme émouvant, évanescent et durable.
« C’est pratique, les enfants. Ça aime. »
C’est exactement ce que produit le film : de l’amour. Un amour pur qui renvoie à l’enfance, un amour sécurisant, chaleureux et tendre.
Nino, en se laissant aller, au gré des rencontres et des ressources à imaginer, choisit la vie et l’espoir. Il terrasse son démon intérieur et se fait confiance.
Ce film est un sacré défi, avec comme postulat de départ : un cancer dont on ne parle jamais, qui se manifeste ici à l’âge de 29 ans. La réalisatrice, Pauline Loquès, aurait pu tomber dans mille clichés et facilités pour son premier film, nous abandonner à la douleur, à l’injustice, à l’effroi, c’est tout l’inverse. Également scénariste, aux côtés de Maud Ameline, omnipotentes, elles ont décidé de nous exposer à la lumière tamisée des veilleuses d’autrefois.
Le casting, dirigé par Youna De Peretti, est à la hauteur du film.
Théodore Pellerin pour commencer : Nino.
Une mère que Nino préserve, une mère drôle et perdue, et charmante, interprétée par Jeanne Balibar, toute en retenue. William Lebghil dans le rôle du meilleur ami fait comme il peut et il peut tant, même maladroit : « Le cancer touchera tout le monde, reste à savoir quand », histoire de réconforter son ami : « Pour moi, c’est maintenant. » Salomé Dewaels, la camarade de collège, dans un rôle original et réjouissant, séduit par sa justesse. Une apparition de Mathieu Amalric, quoique incongrue voire inutile, rajoute une étrange touche de grâce.
J’aimerais citer tous les acteurs, toute l’équipe technique majoritairement féminine : merci.
Nino fait l'effet d'une petite étoile qui apparaît dans un ciel noir par une douce nuit d'été. Peut-être bien parce qu’il est la somme de plusieurs regards féminins, du genre subtils, et qu'il a été développé au Groupe Ouest, les pieds dans le sable du bout du monde, de cette fin de terre où tout n'est que recommencement.