Amélie Nothomb est surprenante. Elle déçoit par complaisance ou épate, et son nouveau roman, dans lequel elle revisite l’histoire de Barbe Bleue, est à la hauteur de ses premiers ouvrages : mordant, vif, net. Ça tombe bien, nous pourrons en avoir le cœur net : cette année célèbre la publication de son premier roman « Hygiène de l’assassin », tout en dialogues. Les éditions des Saints Pères publient, pour ce vingtième anniversaire, le manuscrit dans une version numérotée. Amélie Nothomb détient une formule magique comportant le juste dosage de mots et de formules, de références glissées çà et là, historiques ou littéraires. Elle excelle dans l’art de la conversation.
Revisiter ce personnage populaire assez méprisable était ambitieux, mais à la manière d’Amélie Nothomb c’est une réussite : elle rend justice aux femmes, et recycle le conte de Perrault. En cette rentrée 2012, l’auteur revient en forme : un roman nerveux et équilibré qui suscite d’emblée la curiosité : que deviennent ces huit femmes qui acceptent une colocation peu ordinaire à un tarif dérisoire avec ce Don Elmirio Nibar y Milcar, richissime autiste ? Quel sort réservera-t-il à la neuvième, Saturnine, qui profite sans scrupule de la Bentley avec chauffeur et du champagne Roederer. Car chez Amélie, le champagne est un autre ingrédient indispensable, qu’elle nous fait savourer. Il y a de l’intelligence, de la finesse et de la folie (qui d’autre prénommerait son héroïne Saturnine ?), de l’extravagance et même les situations les plus incongrues sont crédibles. « -Seule l’extase amoureuse m’arrache à la dépression –Vous n’avez jamais pensé à consulter ? –La colocation est une solution plus efficace et plus avantageuse ».
Barbe Bleue, Amélie Nothomb, éd. Albin Michel, 170 pages, 16,50€