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Un spectacle exigeant et fascinant, composé par Emile Brami à partir de la correspondance de Céline, mis en scène par Yvan Morane.

 

 « Le 30 juin 1961. Mon cher éditeur et ami, ... Rigodon... -1500 NF ... Qu’on se le dise ! Bien amicalement vôtre. Destouches. » Voix off de Céline : Eh bien voilà ! Ayant vécu dans bien des endroits, sous des climats différents, et dans des conditions différentes, je me trouve à présent prié de donner mon impression sur mes chefs-d’œuvre dans un décor de chaise électrique... Mais ça ne va pas me troubler du tout, je vais dire ce que j’en pense, et personne ne m’empêchera de parler.

Comédien possédé, Denis Lavant est Céline. S’il a hésité un temps, dépasser la polémique et raconter la société française du 20ème siècle à travers la démesure d’un écrivain génial l’a emporté. Denis Lavant incarne Louis-Ferdinand Céline, à partir d’extraits de sa correspondance dans ce spectacle composé par Emile Brami, sur la base de 15 000 lettres répertoriées de l’auteur. En fil rouge de ces écrits épistolaire, une question : Pourquoi je suis au monde ? Celle qui va enfermer l’auteur dans une effroyable solitude tout au long de sa vie et qui va l’ostraciser. Céline apparaît ici comme un grand déçu de l’humanité. Son désenchantement explique une œuvre d’une grande qualité littéraire. Céline est l’écrivain de l’excès, pamphlétaire ; l’écrivain le plus authentique possible même si l’homme est un menteur patenté. Il est aussi un écrivain pointilliste et visionnaire dans ses descriptions (Paris pollué ou Saint-Pétersbourg dans « Bagatelle pour un massacre »). Personnifier Céline est pour Denis Lavant une manière de comprendre son écriture, son art poétique, ses contradictions, sa manière de retranscrire la vie, sa volonté de maîtriser absolument sa création, mais aussi la bouffonnerie d’un personnage qui se considérait comme le plus grand écrivain de son temps.

Le spectacle n’idéalise pas l’auteur, il ne gomme pas non plus son caractère antisémite. La mise en scène met en évidence l’existence torturée d’un écrivain exigeant, qui a révolutionné la littérature. Céline se trouve dans une sorte de purgatoire : le spectacle débute par l’annonce de sa mort. Nous entrons alors dans son atelier et le suivons depuis « Voyage au bout de la nuit » jusqu’à « Rigodon ». Céline en quête perpétuelle de perfection : Pas une syllabe au hasard. Je me sers du langage parlé, je le recompose pour mon besoin –mais je le force en un rythme de chanson –je demeure toujours en danse (...) Sobre, sobre, sobre –les extravagances sont à l’intérieur, au plumard. Céline qui remet toujours son travail sur le métier : C’est au terme des choses qu’on reconnaît le véritable ouvrier. Il ne se lasse jamais. Je ne suis pas lassable. (...) La moindre virgule me passionne. Céline au service de l’émotion : Vous savez, dans les Ecritures il est écrit : « Au commencement était le Verbe ! » Non ! Au commencement était l’émotion. (...) On a sorti l’homme de la poésie émotive pour le faire entrer dans la dialectique, c’est-à-dire le bafouillage.  Céline archange créateur et destructeur, Céline incompris qui cherche sans cesse des boucs émissaires. On me reproche encore la cruauté systématique. Que le monde change d’âme, je changerai de forme.

 

Faire danser les alligators sur la flûte de pan

spectacle composé par Emile Brami et mis en scène par Yvan Morane

lumières de Nicolas Simonin ; décors et costumes d'Emilie Jouve

Les 21 et 26 juillet au festival de théâtre de Figeac ; reprise parisienne du 13 mars au 15 avril 2012 (au théâtre de l’Epée de bois - Cartoucherie)

 

Tag(s) : #Actualité
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