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D’aucuns le trouvent plombant, d’autres sont bouleversés. Personne ne reste indifférent. Les clichés et les lieux communs sur le racisme, la banlieue, le travail, trouver sa place, les noirs les arabes les blancs, les bourgeois les petites gens, l’élite et la lie, la littérature écrire être écrivain, Paris et la province… tout cela alourdit le récit, au moins autant que l’auteur s’est allégé physiquement. Certes le style est bâclé et les phrases lentes et indigestes. C’est diffus et redondant jusqu’au tournis. Jusqu’à présent, Olivier Adam racontait des histoires courtes et mordantes, tourmentées mais qui reflétaient une certaine réalité. Comme si le vent sauvage de Bretagne avait ciselé son écriture et son sens narratif. Cette fois, il s’agit d’un récit long, parfois chiant, mais juste et profond sur l’amitié, l’amour, la fraternité, les dissonances familiales dues à la politique, aux choses enfouies, aux petits arrangements qui emmurent, aux préjugés. Cette somme de diffractions peut rebuter. En réalité, elle émeut nous entraînant à la rencontre d’un personnage banal, Paul Steiner, à la lisière de sa vie. Vous, moi, nous. Il a quarante ans. Il appartient à cette génération d’enfants aux parents taiseux et pragmatiques, conformistes, aux valeurs et points de vue parfois radicaux, qui se sacrifiaient pour élever leurs enfants avec de nouveaux repères moyens de communication le progrès, chez qui le passé ne se ressassait pas. Or sans mémoire, comment se construire, sur quelle base ? Olivier Adam cherchait cela dans tous ses romans, il l’a trouvé. Certes il ne révolutionne pas l’autofiction, il n’est ni Houellebecq, ni Carrère. Son récit n’a pas leur panache. Il en est conscient : « … quelque chose s’était perdu. Je le ressentais jusque dans ma manière d’écrire qui s’était amollie elle aussi : j’enrobais désormais mes phrases d’une poésie inutile, ne traquais plus la graisse comme autrefois, et sous couvert de faire enfin entrer la lumière dans mes récits, n’en finissais plus d’arrondir les angles ». Il décrit néanmoins l’exact miroir de nos existences actuelles, à nous qui avons enjambé le vingtième puis le vingt-et-unième siècle trop vite et pourtant nous sommes déjà en retard sur le prochain, de nos éducations strictes et maladroites, de notre quête pour s’affirmer être à l’aise, quelle que soit la condition sociale, le milieu d’où l’on vient. Ce questionnement est universel. L’on peut considérer que la fin constitue une note d’espoir, au Japon où tout est à réinventer en général, et en particulier pour Olivier Adam ou son double, Paul Steiner. On peut aussi se dire qu’après les lisières, que ce soit en France ou au Japon, il y a les falaises et se rappeler qu’à dix ans, Paul Steiner voulait se jeter de l’une d’elles. Il ignorait la raison, aujourd’hui il sait.

 

Les lisières, Olivier Adam, éditions Flammarion, 454 pages, 21€

Tag(s) : #Actualité
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