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Alice au pays des merveilles
Alice au pays des merveilles

La scène musicale française se démarque de plus en plus. Du talent, de la virtuosité, de la créativité, des personnalités notables et conquérantes. Après le bouillonnant Simon Ghraichy, place au volcanique Florent Nagel, interprète et compositeur fourmillant. Florent Nagel prend son temps, il place ses pions, il avance sans dévier de ses objectifs fixés de longue date et bientôt, on ne parlera que de lui. Personne ne le soupçonnera, mais pour en arriver là, il aura travaillé dans l’ombre des jours et des nuits, dans une pièce ascétique.

Alice au pays des merveilles

Son spectacle « Alice au pays des merveilles », librement adapté du roman de Lewis Caroll, n’en finit pas d’être décliné. Après une version originelle piano-voix et récitant, versions longue et courte selon les lieux et les publics, le CD sort ce semestre, chez un label qui produit des compositeurs français originaux : label Azur. Le CD s’inscrit dans la collection Albert Roussel et enrichit ainsi le catalogue qui ne comportait aucun conte-musical.

Le Capitole de Toulouse a également commandé à Florent Nagel une version orchestrale d’Alice, que l’auteur est en train de réécrire pour orchestre classique. Ce travail implique d’aménager la partition pour pouvoir y ajouter d’autres instruments : « Je dois repenser entièrement la musique d’Alice pour que chaque instrument trouve sa place, parfois rajouter des notes ici ou là, envisager une nouvelle homogénéité » précise-t-il.

Alice, c’est un peu le fil d’Ariane de Florent Nagel, sa muse-inspiratrice… Qui continue d’être jouée et adaptée dans les conservatoires, par les classes de musique (Versailles, Redon, Vincennes) et désormais par celles de danse (conservatoires de Cachan, Gentilly) !

Compositions

L’enregistrement du CD (piano : Florent Nagel et Joanna Marteel, récitant : Yves Penay) a créé une relation privilégiée entre Florent Nagel et le directeur artistique du festival Albert Roussel. Ce genre de rencontres inattendues qui laissent présager le meilleur et offrent une série d’opportunités réjouissantes. A partir du 23 septembre, le festival Albert Roussel au cœur des Flandres, qui met les artistes du nord et des Hauts-de-France à l’honneur, accueille cette année Florent Nagel, aux côtés de Henri Dutilleux, Maxime Dumoulin ou Albert Roussel lui-même. Florent Nagel est programmé à la Chambre du Roi à Bruges (23 octobre) et à l’hôtel Bedford Paris (18 novembre). Le pianiste jouera deux de ses récentes compositions.

En parallèle, Florent Nagel s’atèle à l’écriture d’une série d’Etudes pour le festival de musique contemporaine Cantus Formus, créé par Nicolas Bacri Clémentine Meyer et Hélène Thiébault (12 novembre au Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris). Tout le dilemme de l’auteur-interprète-compositeur sera de choisir parmi les quelque 30 pièces griffonnées sur son piano de travail, sur lequel il répète, teste, plaque un accord et cherche la mélodie, recommence.

Cette série de commandes l’a invité à reconsidérer la musique et son approche d’écriture : « J’ai compris qu’il me fallait un cadre, quelque chose de formel pour être plus libre de créer un morceau. Je me suis astreint à appliquer des règles musicales, que j’ai réapprises, pour mieux m’en détacher et le contrepoint a été mon angle d’attaque, ce qui m’a permis de structurer mes compositions ». Rares sont les créateurs, quelle que soit la forme d’expression artistique, qui dévoilent leurs intentions. Florent Nagel s’y prête, tout en mesure. Pourtant on sent un tourbillon intérieur dans son crâne, qui se révèle au piano. Cette méthode rigoureuse lui a permis d’écrire des Etudes, des Fugues, des Préludes, un Adagio, un Intermède. C’est parfois impressionniste, à résonance française, parfois torturé et les accents Beethovéniens ne sont jamais très loin dans la musique de Florent Nagel, c’est aussi mélodramatique, poétique, aérien. Parfois académique, à la manière de Bach, parfois brûlant : « Lisztien ». « En travaillant de cette manière, je me suis aperçu que j’étais prêt à sortir de moi pour me mettre au service de l’œuvre, c’est l’œuvre qui m’a guidée et en me guidant, je me suis découvert. Quand j’ai compris que j’étais prêt à sortir de moi-même pour écouter, j’ai su où il fallait que je cherche, dans quelle direction composer, quel son devait se dégager. Je l’ignorais mais cet exercice s’est révélé introspectif : j’ai découvert qui je suis. (…) Une pièce a besoin de quelqu’un pour exister, naître, il se trouve que ces pièces-là, je devais en être le passeur, je ne suis que cela : un passeur. Désormais, je vais les peaufiner et les mettre au propre, mais elles sont nées, elles vont vivre sans moi, pour les autres. Je pourrais presque les brûler, elles ne m’appartiennent plus, c’était organique, je devais les écrire, c’est fait. »

Voilà : les coulisses du processus créatif demeurent insondables. Viscérales. Une nécessité. Comment, pourquoi, qui dirige et quand ? Mystère et boule de gomme.

Créer

Florent Nagel me demande d’écouter ses créations, sans commentaire de ma part. Il veut vérifier qu’auprès d’un « public », ses compositions tiennent la route. J’écoute comme je lirais un thriller, un « page-turner », il créé un suspense qui donne le vertige, je veux connaître la suite. Où va-t-il m’emmener ? Une chose me surprend : il s’empare des partitions griffouillées-annotées-biffées manuscrites, au hasard, sans ordre particulier et cependant, ce qu’il me joue raconte une histoire : un début, un milieu et une fin. Le matin, le midi jusqu’au soir. Une vie. Une famille. Au passage, il réécrit tel accord, supprime une mesure, rajoute un silence : « Au total, j’ai un ensemble de pièces contrapuntiques –Préludes et Fugues antiques, et d’Etudes basées sur le rythme ; parfois il m’a fallu 10 jours pour écrire une seule montée, mais le résultat me convient : c’est vrai, c’est cohérent. (…) Je ne les numérote pas, chacune de ces pièces est dédiée à une personne en particulier, c’est mon système de classement ». Tout son carnet d’adresses peut donc s’enorgueillir d’avoir une composition Florent Nagel qui lui est offerte, au hasard. Je n’ose pas lui demander si l’une de ces pièces, que je viens d’entendre, m’est consacrée. J’ai eu ce privilège inouï d’imaginer que celle qui me convenait, mélancolique, la troisième, portait mon nom. C’est peut-être ça au fond la création : permettre aux autres de s’inventer une poétique rassurante et riche d’espoir. Créer, c’est enquêter sur soi, trouver sa vérité, offrir une musique sincère et honnête à un public qui saura s’émouvoir, réagir, vivre.

PS : Florent Nagel c’est aussi « Simple et féroce », ou l’inverse. Aux éditions Lemoine –pas des moindres. Parmi la série de pièces à vocation pédagogique, l’une a retenu mon attention. J’y entendais les Choses de la vie. Michel Piccoli et Romy Schneider. L’élégance de Léa Massari. Pourquoi ? ça ne s’explique pas. Elle s’appelle « La Source », comme la pureté. Hasard ou coïncidence, dirait Claude Lelouch ? Le prestigieux concours Claude Kahn 2017 a retenu ce morceau, parmi les pièces imposées.

Tag(s) : #piano, #Florent Nagel, #Albert Roussel, #Alice au pays des merveilles, #classique, #orchestre, #Capitole de Toulouse, #Cantus Formus
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