Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Anatomie d'une chute de Justine Triet, est une histoire qui s'autopsie à l'aune de paramètres sociétaux et, à la manière de l'avocat (Swann Arlaud) de l'accusée (Sandra Hüller) qui plaide avant l'heure, on se dit (quand on sait le temps nécessaire entre l'idée émise et le film diffusé sur grand écran) que les scénaristes ont devancé beaucoup de ces thèmes qui font aujourd'hui l'actualité. Artiste, c'est être visionnaire.
 
Pendant plus de deux heures, on se retrouve en immersion dans un tribunal judiciaire à l'occasion d'un procès, comme face à un légiste. On ne sait jamais ce qu'il va s'y passer, s'y dire, mais on découvre d'emblée que la décomposition sera chirurgicale et barbare. Que la mort ne suffit pas. La différence, c'est qu'un légiste prend des gants face au corps et aux familles dénudés, alors que l'avocat général met à nu avec témérité et ferveur.
 
En premier lieu, il est question de la sensibilité de l'animal, à travers le très intelligent et résistant Border Collie (Snoop). Qui fait chuter, à lui tout seul, cette cruelle et inhumaine anatomie.
Il est question de handicap. En l'occurrence le très subtil, réfléchi et attachant Daniel (Milo Machado Graner), dont la perte de la vue fait de lui un être plus attentif aux détails de la vie. Un fils qui cherche à comprendre avant de juger, en tentant le tout pour le tout jusqu'à obtenir la réponse à la question qui l'obsède. Et plutôt que de répondre au comment, il s'attaque au pourquoi avec discernement.
La cause féministe et les violences intra familiales. L'avocat général (Antoine Reinartz) s'attaque aux failles présumées d'une femme qui, de trop avoir souffert de l'emprise d'un père dominateur, s'est crue indépendante en épousant un homme a priori capable d'altérité, autant dans leur relation amoureuse que créatrice, tous deux étant parents, écrivains et lecteurs. Malgré tout, cette femme demeure exemplaire de sincérité et de sang-froid.
 
Il est question de l'écriture, enfin, capable de rendre à la fois libre, éveillé et coupable, ostracisé. L'écriture isole et fait basculer dans une vie à charge, quand elle rend les choses invisibles visibles, quand elle dit la vérité, quand elle brave le silence.
 
Visionner ce film a convoqué un souvenir. C'était au début du siècle. L'un de mes amis écrivains venait de publier son premier roman, un policier et thriller habile et démoniaque à l'intrigue implacable et minutieuse, un truc à la Seven de David Fincher. Parallèlement, en instance de divorce, il se retrouva écarté du domicile conjugal par sa femme qui demanda l'autorité parentale exclusive en s'appuyant sur les écrits de son futur-ex-mari. L'avocat de cette femme parvint à démontrer qu'être capable d'imaginer et d'écrire de telles mécaniques, diaboliques et ensanglantées, était forcément l'oeuvre d'un esprit dérangé et devenait une menace pour leur enfant.
 
Une palme d'or au festival de Cannes 2023 plus que méritée. Sandra Hüller à elle seule, méritait cette palme.
Anatomie d'une Chute, Justine Triet

Anatomie d'une Chute, Justine Triet

Tag(s) : #Justine Triet, #Anatomie d'une Chute, #Cinéma, #Long-métrage, #Festival de Cannes, #Palme d'Or, #Cannes 2023, #policier, thriller, judiciaire, drame
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :