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Galerie des Dons

La Galerie des Dons, Palais de la Porte Dorée

Musée de l’histoire et de l’immigration

« Avez-vous déjà été ému par une truelle ? ». C’est par cette accroche que Mercedes Erra, présidente du conseil d’administration, Jacques Toubon, président du conseil d’orientation et Luc Gruson, directeur général, ont inauguré la nouvelle Galerie des Dons au Musée de l’histoire et de l’immigration, Palais de la Porte Dorée, à Paris.

La truelle en question, « briqueteuse » par opposition à « lisseuse » destinée aux cimentiers, appartenait à Luigi Cavanna, maçon issu de l’immigration Italienne. Son fils François l’a offerte au musée. Symbole fort : la galerie cimente les parcours d’immigrants qui constituent la France, en enrichissent le patrimoine et la culture. Jacques Toubon a placé cette inauguration sous l’égide de François Cavanna « emblématique de combats, de provocations, de mise en débats de sujets, avec dérision, à l’encontre de tous les conformismes, dans le plus pur esprit du polémiste français qui laisse une trace lumineuse, avec ses journaux ».

Inauguration de la Galerie des Dons

Mercedes Erra, quant à elle, a rappelé « qu’un quart de la population en France était issue de l’immigration, cela mérite d’être clair sur la qualité de l’accueil en France ». Elle a souligné « la nécessité de rendre compte de l’intensité, de l’intimité et de la générosité des symboles des donateurs, ces morceaux de vies qu’ils acceptent de partager », et a conclu en invitant à s’emparer de ces « histoires de familles, dans cette galerie douce ». La Galerie des Dons traduit, selon Jacques Toubon « l’émergence de vies humaines ordinaires qui rendent compte des grandes aventures nationales ». Le parcours démarre sous l’arbre à Dons qui collecte les histoires pour la pérennité de l’endroit, et les 37 récits actuels sont répartis en quatre thèmes : hériter, partager, contribuer, accepter. Le jour de l’inauguration, la famille de donateurs arméniens est au rendez-vous, émue. Pierre Mampreyan et Jacques Bédrossian, cousins, expliquent : « On a eu un peu de rejet de notre histoire depuis l’adolescence. C’est revenu après coup, quand nos parents ont disparu. Nos parents étant là, la mémoire était là. Ce n’était pas important que l’on s’en occupe. Mais après, on entendait plus parler de ceci, de cela… On a pris la relève en quelque sorte. C’est devenu un hommage posthume ».

Une famille arménienne a fait un legs important et symbolique

Cilicie (Asie Mineure), 1915. Le 15 septembre, le ministre de l’Intérieur Taalat annonce : «Il a été récemment communiqué que le gouvernement, sur l’ordre du Comité, a décidé d’exterminer entièrement tous les Arméniens habitants la Turquie. Ceux qui s’opposeront à cet ordre et à cette décision seront démis de leurs fonctions. Sans égard pour les femmes, les enfants, les infirmes, quelque tragiques que puissent être les moyens de l’extermination, sans écouter les sentiments de la conscience, il faut mettre fin à leur existence ». Puis, le 12 décembre : « Recueillez et entretenez seuls les orphelins qui ne pourront se rappeler les teneurs auxquelles furent soumises leurs parents. Renvoyez les autres avec les caravanes ». Les Arméniens ont huit heures pour emprunter le chemin de la déportation. Ils traversent montagnes, déserts, rivières, se retrouvent en Syrie, en Egypte, au Liban, en Grèce. Ils sont recueillis dans des orphelinats où ils sont contraints de se convertir à la religion musulmane pour survivre, de porter un nouveau nom et un numéro. Certains parviennent en France. Peu à peu, ils retrouvent dignité, identité et papiers.

Des objets symboliques

La Galerie des Dons rend aujourd’hui visibles un bâton d’exil sculpté à la main « mille fois brisé et remplacé », symbole de « toute cette errance et cette souffrance », ou un coffre en marqueterie raffiné, très bel ouvrage, qui recueillera leur existence administrative, la preuve qu’ils ont survécu, et qu’ils honorent la France. L’on comprend soudain la portée d’une carte d’identité, d’un décret de naturalisation, d’un passeport Nansen, d’un certificat scolaire de bonne conduite, d’une citation à l’Ordre de la brigade de la Légion Etrangère. Le poids de médailles et la valeur de photographies. Ils seront cordonniers, ébénistes, tisserands, liciers à Cogolin, Saint-Tropez, Marseille, Antony, Issy-les-Moulineaux, Gentilly, Grenoble …

Le travail et la générosité sont exemplaires. Par cette donation Jacques Bédrossian et Pierre Mampreyan proposent l’histoire personnelle de leurs parents, qui devient celle de tous les Arméniens qui ont réchappé au génocide, mais aussi celle des enfants et des petits-enfants, qui sont nés.

Ces enfants marqués par la couleur rouge, qui vivent encore pour la plupart dans les non-dits, les secrets, et qui, en dépit de ces silences pesants, rassemblent courage et audace pour trouver leur place et se projeter. Nous pouvons être fiers du geste désintéressé et altruiste des donateurs, enfants d’apatrides naturalisés français : en déposant leurs trésors, ils nous donnent accès à un passé, un présent et un avenir.

L’inauguration de la Galerie des Dons est rattrapée par l’actualité : les chrétiens arméniens sont contraints de fuir le village de Kessab en mars dernier. Le 23 avril, le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, présente les condoléances de la Turquie aux « petits-enfants des Arméniens tués en 1915 », lors d’un communiqué. Pour autant, le génocide Arménien demeure nié, et les bains de sang continuent. Cette Galerie des Dons est une initiative essentielle pour la (re)connaissance de l’histoire de nos aïeuls, pour notre libération du poids d’un passé trop lourd, pour le pardon.

www.azadmagazine.com

www.palais-portedoree.fr

Tag(s) : #Expositions
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