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Guillaume Chérel

Guillaume Chérel est écrivain, journaliste, voyageur, et ça ne date pas d’hier. Publié chez Flammarion, Julliard, Le Rocher, Plon, Transboréal, Fleuve Noir, son aventure commence dans les années 1990. Il raconte des vies, il observe ses contemporains, il met en scène des personnages pris dans la tourmente de polars bien ficelés, il n’a pas hésité à retracer la route de Kerouac et à manger le vent de Jack London. Un aventurier, curieux, inventif, sincère ; Il est lui-même, il donne cette impression de ne jamais trahir ni lui, ni quiconque. Il est généreux, il partage volontiers : ses coups de gueule et ses joies, ses idées, ses désillusions, ses selfies, ses aléas, le bonheur de sa fille. Il aime se mettre en scène et utilise les réseaux sociaux pour ce qu’ils sont : des instantanés, des moments, une actualité, l’air du temps. Sans prétention. Pas le genre donneur de leçons, ni esprit critique ou grincheux, pas non plus un suiveur. Un type simple, bosseur et cultivé, qui continue d’apprendre, qui ne se fourvoie pas, qui résiste encore.

Mais Guillaume Chérel n’est pas content parfois et alors, il donne la parole à son double : Guillaume Charal un « écrivain injustement méconnu ». Et lorsque Guillaume Chérel rencontre Guillaume Charal, au monastère de Saorge où il séjourne en résidence d’écriture, ce qui se produit est d’abord mystérieux et inattendu, puis l’alchimie opère et, avec l’aide d’Oscar Wilde, de son neveu et de quelques esprits facétieux, il se met à écrire un livre décalé, drôle, burlesque parfois, qui n’est pas un roman, ni un récit, pas davantage un essai, pas non plus un pamphlet, ni une chronique ou une satyre, ni véritablement un pastiche. Quelque chose qui se démarque et qui en même temps s’inscrit dans la sphère littéraire, c’est neuf et frais. Et hardi, puisque ce livre a été publié en pleine rentrée littéraire, alors qu’il met en scène un Augustin Traquenard qui nourrit « beaucoup d’incertitudes sur son avenir cathodique » sur la chaîne « Anal+ » dont « l’esprit s’était envolé en fumette » depuis sa reprise par « Vincent Coloré, qui se comportait en impitoyable cost killer ».

 

L’histoire

Augustin Traquenard reçoit une lettre de Un Cognito lui proposant d’animer une rencontre littéraire dans un ancien couvent franciscain du parc du Mercantour. Augustin accepte sans hésiter au vu des invités exceptionnels, illustres parangons des rentrées littéraires : Yann Moite, Frédéric Belvédère, Michel Ouzbek, Amélie Latombe, Delphine Végane, David Mikonos, Kathy Podcol, Tatiana de Roseray, Christine Légo, Jean de Moisson. Du lourd, de l’exemplaire. Enracinés. Pas de place pour d’autres. Qu’importe la valeur de ce qu’ils écrivent à présent que leur nom circule et qu’il suffit à réaliser le chiffre d’affaires de leur maison d’édition. D’ailleurs, une fois qu’ils sont parvenus au monastère, ils vont vite déchanter, se retrouvant accusés de tous les péchés : lâcheté, cupidité, indélicatesse, nombrilisme, paresse, ambition, brassage d’air, ingratitude, médiocrité, même de tout ! La Voix résonne ce soir-là : « Accusés, avez-vous quelque chose à dire pour votre défense, vous qui méritez de périr sur le bûcher des vanités ? ». Pourtant, la société du spectacle, ça ne date pas d’aujourd’hui ! Les imposteurs persistent, les écrivains apocryphes se coalisent, l’entresoi germanopratin résiste. Après une description de chacun des protagonistes poussive et néanmoins utile et frétillante, l’intrigue se resserre. Un à un les invités disparaissent. Ça vous rappelle les dix petits nègres ?

Le propos

Si le regard sociétal est malin et aiguisé, si les caricatures demeurent bienveillantes -et lucides, si l’écriture est agile, la substance s’essouffle et manque de constance. Comme si l’auteur Charal peinait lui-même à faire évoluer les situations, oscillant entre certaines audibles et raisonnables et d’autres invraisemblables et ubuesques. En dépit de ce déséquilibre, l’idée folle convainc, le sarcasme est mesuré, le sens des dialogues et l’économie de mots et de situations n’a rien à envier à Amélie Latombe et, en fin de compte, moins que l’histoire, ce que révèle ce livre singulier, c’est une industrie littéraire qui peine à se renouveler, inventer, parier sur des auteurs méconnus, voire inconnus ou laissés pour compte. De nouveaux noms ou d’autres, ignorés, qui pourtant, pourraient révéler de belles plumes et un sens romanesque abouti.

A trop se complaire dans la facilité, on en oublie ce que signifie la Littérature et, sous couvert de légèreté, Guillaume Chérel raconte ce délitement. Une manière astucieuse, non corrosive et amicale de souligner un état alarmant, frustrant et pathétique. Aujourd’hui, cela ne devrait plus être permis de considérer la Littérature à l’aune des écrivains morts. La Littérature, l’écrit sous toutes ses formes, se doit d’être exemplaire. La Littérature transmet, elle éduque, elle cultive, elle sublime, elle convoque la créativité, elle supplante l’ennui et le désintérêt, elle libère, elle fait voyager, elle dépasse la réalité même dans une forme testimoniale. Elle parle de chacun d'entre nous et réconforte. Mais à s’accommoder de superficialité, on en oublie sa vertu, on en oublie de lire les autres, dont le nom n'est pas étalé. Alors pour faire en sorte que les bons écrivains soient reconnus et considérés de leur vivant, achetez l’ouvrage de Guillaume Chérel. Un acte symbolique, une manière de protester. Mirobole éditions a agi, en pariant sur Guillaume Chérel : engagerons-nous  aux côtés de ces éditions pour revendiquer le mieux, l’éloquence, le brio, la grandeur, la poésie ; le travail et la méthode qui seuls, permettent de contourner la complaisance, à tous les niveaux de la chaîne littéraire. Que la Littérature retrouve de sa superbe.

 

Un bon écrivain est un écrivain mort, Guillaume Chérel. Editions Mirobole, 19,50 euros, 224 pages. Collectoion « Horizons noirs »

Tag(s) : #Litterature, #event
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