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Documentaire : "Foot et Immigration" réalisé par Eric Cantona

Foot et immigration, 100 ans d’histoire commune (90’), réalisé par Eric Cantona et Gilles Perez

Eric Cantona, ancien footballeur devenu acteur, signe son premier documentaire, accompagné de Gilles Perez, produit par Canto Bros et 13 Productions, avec la participation de Canal plus. Quel partenaire plus évident que la chaîne du foot ?

Projeté mercredi 12 novembre, en avant-première, à la Cité nationale de l’immigration, Palais de la Porte Dorée, ce film-documentaire de 90 minutes sera diffusé dimanche 16 novembre à 20h50 sur la chaîne cryptée. « Foot et immigration, 100 ans d’histoire commune », mêle un siècle de football et d’immigration. De nombreux interviewés, parmi lesquels Zinedine Zidane, Jean Tigana, Basile Boli, Luis Fernandez, Michel Platini, Maryan Wisniewski… Eric Cantona met en perspective leur trajectoire dans le football, modèle vertueux et égalitaire d'intégration, avec l'histoire de leur famille, leurs racines. L'occasion de revisiter l'immigration italienne, espagnole, algérienne, malienne, marocaine, ivoirienne... Un documentaire réussi et émouvant qui superpose images d'archives et contemporaines, propos qui s'entrecroisent, sport et exils qui se tissent. D’autres intervenants apportent un regard complémentaire, qui dépassionne les mots intimistes, les regards généreux, fiers et humbles : Stéphane Beaud, sociologue, Jean-Claude Michéa ou Edgar Morin, Philosophes, Jamel Debbouze, humoriste.

En introduction, Christine Cauquelin, la directrice du département documentaire à Canal plus, a souligné que : « la question de l’immigration est constituante d’une valeur moderne de notre société civile (….) ; il est de la responsabilité sociétale de la chaîne de se positionner sur un tel document qui allie foot et immigration, pour la première fois, et révèle le sport comme une formidable machine à intégrer, au cœur de notre histoire commune ».

Pour Benjamin Stora, président du conseil d’orientation du musée de l’histoire de l’immigration, ce moment a été l’occasion de rappeler que l’établissement public n’avait pas été inauguré officiellement, et que ce type d’événement constituait une opportunité pour élever le débat sur l’immigration, et officialiser le rôle de l’institution sur ce sujet en France.

Eric Cantona, s’est montré plus laconique : « c’est une grand idée que ce documentaire –car c’est celle que j’ai eue, et je suis fier des intervenants qui s’expriment –car ce sont ceux que j’ai choisis ». Son humour trahissait une émotion évidente.

Quelques verbatims éloquents et sincères, extraits du film.

« J’ai été fier de ce métissage (…), gagner la coupe du monde avec cette équipe a été comme une deuxième libération de la France » Zinedine Zidane, revenant sur la coupe du monde de 1998. Des propos introductifs forts, immédiatement contrebalancés par la verve réaliste de Jamel Debbouze : « à partir de 1998, je pouvais signer des crédits auprès de mon banquier ! » Poursuivant, toujours en référence à cet événement sportif majeur : « Si la société française pouvait se comporter comme un match pendant 90 minutes, avec le même respect que les joueurs se portaient … », (…) « Nous avons assisté à la victoire de la France dans sa pluralité, la grande histoire de la France (…), fondée sur sa multi-culturalité ».

Le film ponctue les séquences sportives fédératrices et victorieuses de footballeurs qui ont contribué à assurer la renommée de la France et son rayonnement international, avec l’arrivée en France de leurs parents, leurs conditions d’exil. Mineurs dans le nord, menuisiers, maçons italiens regroupés dès les années 1920 dans des baraquements sans confort, en région parisienne aux côtés de polonais qui avaient imaginé un ingénieux système de vestiaires en hauteur, évoquant des pendus. La sidérurgie en Lorraine. Les réfugiés républicains espagnols, suite à « l’un des plus grands exodes du vingtième siècle » tel que le qualifie l’auteur, dont la mère témoigne. Marseille, bien sûr...

Le rôle des éducateurs est souligné, dans les quartiers populaires où souvent, seul le football, permet de frôler la liberté et de se forger des repères et une discipline. Comme se rassembler au son de la Marseillaise, même si l’on ne chante pas l’hymne.

Cantona filme au plus près du grain de peau et de l’émotion contenue dans la pupille, mais il semble que chacun oublie la caméra pour se plonger avec nostalgie et bienveillance sur des parcours atypiques, rudes, sans concession. Pour Cantona « il est important de se construire avec ses origines. On naît déjà avec une histoire ». Tous, sans exception, se réfèrent au Général de Gaulle, symbole du rêve français, et d’une terre d’accueil. Tous, sans exception, expriment leur fierté d’avoir réussi pour leur père, leurs parents, qui les regardaient, droits, et qui se sont sacrifié. Tous reviennent sur la différence qu’ils ont subie. Zinedine Zidane répète cette phrase, trop souvent entendue enfant : « toi, t’es différent ». Il en a fait une force : « c’est plus compliqué pour ceux qui ont des origines différentes, on a une exigence plus grande, il faut se montrer plus sérieux ». A l’instar du champion du monde, tous, remarquent que le football constitue une formidable opportunité de réussite. Tout le monde est à égalité, nul besoin de diplôme, d’entregent. En revanche, il n’y a pas d’alternative. La seule obligation est de réussir.

Zinedine Zidane, ou l’archétype de la réussite, lorsqu’il révèle sa fierté d’avoir été sacré au stade Saint-Denis, précisément là où son père avait travaillé en arrivant en France. Quelle revanche flamboyante ! Djamel Debbouze reprend la parole et précise un propos qui semble faire consensus : « le football est l’un des derniers moyens d’intégrer l’élite sans relation » : « le foot, dit-il, permet d’ouvrir les portes de l’élite à l’immigration, et c’est cette élite-là, qui peut sauver une France qui a peur ». Eric Cantona conclue : « C’est un film de lutteur, de gens qui se battent. En foot, on est bon ou mauvais, mais on a envie de se battre pour défendre la France, telle qu’elle est ».

Un regret peut-être. L'immigration arménienne, à 5 mois de la commémoration du premier génocide du XXè siècle, n'est pas abordée. Éric Cantona de répliquer que l'immigration portugaise non plus : Pires, Djorkaeff, des sportifs qui ont fait la France, aussi. Il fallait faire des choix. Le réalisateur évoque un deuxième volet, pourquoi pas. Pour ma part, je crois que l’essentiel est abordé dans ce documentaire, que 90 minutes supplémentaires n’apporteraient rien de plus. Il s’agit d’un film professionnel, intelligent, inédit, malin, pédagogique, civique. Qui demeurera, aussi, un film de potes, entre potes, qui oublie une partie de l’immigration, silencieuse. Eric Cantona propose sa vision de l'entresoi qui scelle les destins de l'élite de l'immigration et du foot.

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